Chapitre 3: La réprésentation élue La représentation élue prend la forme d'un CSE ou d'un conseil d'entreprise. Avant de voir le régime juridique de la matière, petit retour en arrière. C'est le principe constitutionnel de participation qui est à la base de la représentation élue des travailleurs. D'un point de vue historique, la représentation élue des salariés est apparue bien avant la consécration de la représentation syndicale dans l'entreprise, les syndicats n'ont pu avoir une action dans l'entreprise qu'à partir de 1968. La représentation élue est due au Front Populaire et son chef Léon Blum, à l'origine de la création des tous premiers représentants élus. C'est dans le cadre des engagements actés dans les accords matignon de juin 1936 que la loi du 24 juin 1936 a été votée et instituant les délégués ouvriers. Ils ont été supprimés durant la période de vichy et ont été rétablis à la libération et sont devenus les délégués du personnel. Parallèlement, c'est à la libération qu'a été créé le comité d'entreprise par une ordonnance du 22 février 1945. Il s'agissait à l'époque d'associer l'ensemble des salariés à la marche de l'entreprise dans une logique de coopération entre employeurs et salariés au service d'un intérêt supérieur, celui de l'entreprise. L'idée était de créer une institution reposant sur la base d'un principe de coopération, sans remettre en cause le pouvoir de gestion de l'employeur ni le rôle des syndicats. La création du comité d'entreprise figurait dans le programme du conseil national de la résistance d'où cette philosophie de coopération. Dans un premier temps, la mise en place du comité d'entreprise a suscité une certaine méfiance tant de la part des syndicats, hostiles à l'idée de coopération, que de la part des employeurs craignant une remise en cause de leur pouvoir. La méfiance à l'égard du comité d'entreprise s'expliquait aussi par le fait que des comités appelés comités sociaux avaient été créés par vichy et étaient en charge dans les entreprises de la gestion des oeuvres sociales. Hors cette mission n'a pas été supprimée, et elle a été transférée au comité d'entreprise. Malgré les réticences de départ, le comité d'entreprise s'est progressivement imposé comme un acteur essentiel dans les entreprise. Cette évolution a été notamment renforcée par une des quatres lois Auroux du 28 octobre 1982 qui est venue renforcer les attributions du comité d'entreprise. Le comité d'entreprise est devenu ainsi, d'une part l'organe de gestion des activités sociales et culturelles de l'entreprise, formule qui avait remplacée celle d'oeuvre sociale, et c'est par ailleurs un organe consultatif en matière de gestion sociale et économique de l'entreprise. En matière sociale et économique, le CE est un organe consultatif. Il ne prend pas part à la décision, qui est toujours de la compétence de l'employeur. Mais le CE était déjà doté de moyens d'actions importants, de prérogatives notamment, qui en avaient fait un véritable contrepouvoir au pouvoir de l'employeur. Par ailleurs, il faut savoir que le principe de participation a d'une certaine manière un pendant en droit européen. L'article 27 de la charte des droits fondamentaux de l'UE et la directive 2002/14 du 11 mars 2002 consacrent un droit des salariés à l'information-consultation via leurs représentants. Le CE est la transposition du droit européen. Ces textes européens imposent aux États membres la mise en œuvre de règles visant à garantir aux salariés une information-consultation sur les décisions notamment économiques, et plus largement toutes les décisions impactant les salariés, ces informations-consultations devant intervenir en temps utile et au niveau approprié. Enfin, une loi du 28 décembre 1982 avait institué le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, connu sous l'acronyme CHSCT. Il s'agissait d'une institution spécialisée, qui pendant longtemps n'a pas eu trop d'importance. Cependant, dans les dernières années de son existence, cette institution s'est vue conférée une importance pratique assez considérable au point que certains auteurs l'avaient qualifié de "nouvelle bête noir des employeurs". Cette importance s'expliquait par l'importance des problématiques de santé au travail et on la doit à la jurisprudence. Il y a eu au fil du temps un empilement des institutions représentatives du personnel élues, certains auteurs évoquant un mille-feuilles, car ces trois institutions pouvaient être déclinées dans des entreprises à établissements distincts. Il est vrai que ces institutions n'avaient pas toutes le même rôle, l'idée était plutôt qu'elles soient complémentaires. En pratique, il en résultait une certaine complexité, avec des chevauchements de compétence, parce que par exemple une décision économique pouvait avoir un impact sur la santé, il fallait consulter le CE et le CHSCT en même temps, ainsi que de la lourdeur dans les entreprises, avec un risque de délit d'entrave, une certaine rigidité et de l'insécurité juridique avec des frontières pas souvent claires. Ce qui était souvent dénoncé, c'était le fait que cette complexité ne favorisait pas véritablement le dialogue social. Pourquoi? Parce que les entreprises étaient plus soucieuses de remplir leurs organisations formelles que de garantir un dialogue social fructueux. Aussi, dans un contexte de concurrence international nécessitant une adaptation rapide des organisations, l'objectif des pouvoirs publics est devenu d'alléger les contraintes pesant sur les employeurs. L'idée était de permettre aux organisations de s'adapter rapidement aux évolutions du marché et de lever un certain nombre de lourdeurs. Les ordonnances de 2017 sont l'aboutissement de cette volonté, mais il y a eu des étapes intermédiaires. Il y a par exemple eu l'idée de la délégation unique du personnel en 1993. Mais la première initiative marquante a été une loi dite "Rebzamel" du 17 août 2015 qui permettait d'une part le regroupement des trois institutions de représentation du personnel au sein d'une délégation unique et d'autre part pour les grandes entreprises cette loi prévoyait la possibilité de créer par accord collectif une instance conventionnelle. La loi autorisait même par accord collectif de prévoir ou définir les procédures de consultation des représentants du personnel, de s'écarter des règles légales pour fixer des règles spécifiques. Elle n'a pas suscité beaucoup d'intérêt. Elle n'a pas été appliquée longtemps, car en septembre 2017 plusieurs ordonnances sont revues redéfinir le paysage légal de la représentation du personnel. Parmi les ordonnances, l'une d'elles est relative à la nouvelle organisation du dialogue social, et c'est cette ordonnance qui va fusionner les trois institutions élues (délégue du personnel, comité d'entreprise et le CHSCT) en une seule, le CSE. Dans certains cas, l'ordonnance autorise la conclusion d'un accord ne permettant pas la mise en place d'un CSE mais d'un conseil d'entreprise. Cette ordonnance, par ailleurs, confère aux partenaires sociaux une marge de liberté importante pour adapter l'organisation et le fonctionnement du CSE aux spécificités de l'entreprise. Autrement dit, on est passé d'un système où tout était défini par la loi de manière rigide de manière complexe à un système simplifié que le législateur veut souple car il est possible d'adapté via la négociation collective. Sous-chapitre 1: Le CSE Contrairement aux représentants syndicaux qui sont désignés par les représentations syndicales représentatives, les représentants des salariés au CSE sont élus par les salariés. Section 1: La mise en place du CSE Le CSE doit être mise en place dans les entreprises comptant au moins 11 salariés, L23-13-1al1. Dans les entreprises d'au moins 50 salariés, qui comptent au moins deux établissements distincts, doivent être mise en place le cas échéant des CSE d'établissement au niveau des établissements et un CSE central au niveau de l'entreprise, alinéa 2 de l'article. L'existence d'établissements distincts peut être reconnue par accord collectif. Lorsque tel est le cas, le Code du travail prévoit que cet accord peut mettre en place des représentants de proximité. L'objectif est de permettre une représentation au plus près des salariés, de permettre des relais entre les salariés et des représentants du CSE, ce qui n'est plus possible dans certaines entreprises depuis la suppression des délégués du personnel. Cette mise en place ne concerne que les entreprises ayant conclu un accord constant l'existence d'établissements distincts. C'est l'accord collectif qui va d'ailleurs préciser les modalités de désignation de ces représentants de proximité, les moyens qui leur sont affectés et même leurs attributions. La loi ne dit rien sur les représentants de proximité, elle prévoit juste que s'ils existent, ils bénéfient du statut légal protecteur. Le CSE est mis en place selon des modalités qui sont quasiment les mêmes que celles du délégué du personnel et du comité d'entreprise. Cela se fait donc par voie d'élection. La loi prévoit des conditions d'électorat, en nombre d'électeurs, et d'éligibilité, les conditions pour se présenter. §1: L'organisation des élections C'est à l'employeur de prendre l'initiative dès de l'entreprise compte au moins 11 salariés, il doit organiser une élection sous peine de délit d'entrave. Plus précisément, la loi lui impose d'inviter les syndicats intéressés à venir négocier un accord spécifique appelé le protocole d'accord préélectoral et les invite à présenter, s'ils le souhaitent, à présenter des candidats, L2314-5. A) Le protocal d'accord préélectoral (PAP) C'est un accord qui va fixer le cadre de l'élection. Il est conclu entre l'employeur et les organisations syndicales ayant répondu à son invitation, L2314-5. Dans le PAP, vont être établies les modalités d'organisation et de déroulement des élections, comme la date et le lieu du scrutin, les conditions d'impression des bulletins, la possibilité de voter par correspondance ou la possibilité du vote numérique. Le PAP prévoit également comment seront répartis les sièges à pourvoir entre les différentes catégories de travailleurs ainsi que l'inscription des salariés dans les différents collèges électoraux. Il y a minimum deux collèges électoraux: celui des ouvriers/employés, et celui des cadres/ingénieurs. On va dans le protocole le nombre d'élu pour chaque collège. Depuis l'ordonnance de 2017, les partenaires sociaux négociateurs ont beaucoup de pouvoir pour modifier le PAP. Ils peuvent modifier le nombre des collèges électoraux, la seule condition est que tous les syndicats représentatifs dans l'entreprise soient d'accord. Ils peuvent aussi définir librement le nombre d'élus. Ils peuvent fixer également le nombre d'heures de délégations attribuées à chaque élu à condition cependant de respecter le volume d'heure de délégation résultant de la loi, L2314-7. Par exemple, le PAP peut réduire le nombre d'élus. En revanche, ce nombre d'élus réduits bénéficiera de davantages d'heures de délégation. On peut aussi augmenter le nombre d'élus, mais qui se partageront le nombre d'heures de délégation prévues par la loi. Le PAP peut toujours prévoir des dispositions plus favorables que la loi, comme par exemple que les suppléants auront des heures de délégation, alors que la loi ne le prévoit pas. Le PAP doit cependant respecter les principes du droit électoral, comme l'égalité des candidats, la neutralité du processus électoral, etc. Pour garantir que cela soit respecté, le PAP est transmis à l'inspection du travail. B) Les collèges électoraux Le nombre et la composition des collèges sont fixés par la loi. Mais comme un vient de le voir, le PAP peut y déroger s'il est signé par tous les syndicats représentatifs dans l'entreprise. En l'absence de dispositions dérogatoires, le principe posé par la loi est celui de la dualité des collèges. Il y a un collège pour les ouvriers et employés et un autre pour les ingénieurs, techniciens, chefs de servie, agent de service, et assimilés. Ce principe de la dualité des collèges connait des exceptions. Dans les entreprises de moins de 26 salariés dans lesquelles il n'y a qu'un élu titulaire, il n'y aura qu'un collège. On peut toutefois y déroger par accord collectif. Deuxième exception, un troisième collège s'impose dans les entreprise dans lesquelles les ingénireurs, les chefs de services et cadres sont au moins 25 au moment de l'élection. Ce troisième collège sera le collège des cadre, L2314-12. On ne peut pas déroger à la création d'un collège cadre dès lors qu'il y a 25 cadres dans l'entreprise. La répartition des salariés dans les collèges se fait selon le PAP. Mais s'il n'y a pas d'accord en raison d'un échec de la négociation, dans ce cas c'est l'administration du travail qui répartira les salariés dans les collèges. Le recours contre la décision de l'administration se fera devant le juge judiciaire. S'il n'y a pas d'accord parce qu'aucun syndicat n'a pas participé à la négociation, c'est l'employeur qui va unilatéralement répartir les salariés dans les collèges. On considère qu'il n'y a pas de conlit sur ce point là. La répartition dans les collèges se matérialise par la conception par l'employeur des listes électorales. Enfin, il faut répartir les sièges à pourvoir entre les collèges, et à l'intérieur des collèges, entre les catégories de personne. Par exemple, dans le collège ouvrier-employé, on verra la répartition entre la catégorie ouvrier et celle pour la catégorie employé. En cas d'échec de la négociation, le DRETS décide, et recours devant le TJ. Il doit y avoir au minimum un siège de titulaire par collège. C) Les règles de candidature Les listes de candidatures obéissent à différentes règles. En premier lieu, une règle de parité. L'objectif est d'introduire de la parité femme-homme. Les listes électorales établies doivent permettre une représentation équilibrée des hommes et des femmes compte tenu du nombre de salariés de l'un et l'autre sexe inscrits sur la liste électorale, parité au prorate de la présence des hommes et des femmes dans le collèges. L'article L2314-30 prévoit une représentation proportionnée entre les hommes et les femmes, mais il faut aussi qu'il y ait alternance des candidats dans les listes. Il ne faut pas les hommes en début de liste et les femmes en fin de liste. Cette exigence de parité a fait l'objet d'une contestation de la part de syndicats soutenant que c'était une atteinte à la liberté syndicale et de choisir les représentants. Pour la Cour de cassation, cette exigence de listes paritaires n'était pas contraire à la liberté syndicale parce qu'elle ne porte pas une atteinte disproportionnée à cette liberté, et souligne que cette liberté n'est de toute façon pas absolue et doit être conciliée avec d'autres exigences tout aussi fondamentales telle que l'exigence de non-discrimination, chambre sociale 13 février 2019. En second lieu, le Code du travail prévoit qu'au premier tour du scrutin, les syndicats ont un monopole de présentation des syndicats. Plus précisément, peuvent présenter des candidats aux élections les syndicats se trouvant dans l'une des situations suivantes: être un syndicat représentatif dans l'entreprise; remplir les critères de respect des valeurs républicaines, d'indépendance, d'ancienneté et de présence dans le champ géographique et professionnel de l'entreprise; avoir constitué une section syndicale dans l'entreprise; être affilié à un syndicat représentatif au plan national et interprofessionnel. Enfin, en troisième lieu, le principe est qu'au second tour du scrutin, les candidatures sont libres. La loi prévoit qu'un second tour du scrutin doit être organisé: lorsque le nombre des votants au premier tour du scrutin a été inférieur à la moitié des électeurs inscrits, le quorum n'est pas atteint; l'hypothèse où il y a carrence de candidatures syndicales au premier tour, aucun syndicat n'a présenté de liste. §2: Les conditions d'électorat et d'éligibilité A) Les conditions requises pour être électeur Ces conditions sont définies par l'article L2314-18. Pour être électeur, il faut d'abord être salarié de l'entreprise, un âge minimum de 16 ans au moment de l'élection et d'une ancienneté minimale de trois mois dans l'entreprise. Par ailleurs, il ne faut avoir fait l'objet d'aucune interdiction des droits civiques, notamment en cas d'incapacité et de déchéance. En revanche, la nationalité du salarié est indifférente. La jurisprudence considère également qu'il n'est pas nécessaire d'être pris en compte dans l'effectif de l'entreprise pour pouvoir être électeur. Par exemple, le salarié sous CDD qui remplace le salarié dont le contrat est suspendu, le salarié n'est pas pris en compte dans les effectifs de l'entreprise mais il est électeur. Les salariés dont le contrat est suspendu restent électeur. Les salariés en pré-avis de rupture restent électeurs. Il y a une exception concernant les travailleurs mis à disposition. C'est l'hypothèse dans laquelle le salarié d'une entreprise va être mis à disposition d'une autre entreprise, par exemple dans le cadre d'un contrat de prestation de services. Ces salariés peuvent être pris en compte dans les effectifs de l'entreprise d'accueil. Ils peuvent y être électeurs, s'ils sont présents dans l'entreprise pendant 12 mois continus. On va considérer que ces salariés font parti du collectif des travailleurs et peuvent faire valoir leurs intérêts. Ces salariés peuvent aussi être électeurs chez leur employeur. Cependant, la loi exclut le double vote. Autrement dit, ces salariés doivent choisir entre voter dans l'entreprise d'accueil, soit voter chez leur employeur. Cela n'a pas d'impact sur leur prise en compte dans l'effectif de l'entreprise d'accueil. Dernier point, concernant les chefs d'établissement et les cadres salariés représentants l'employeur. Avant 2022, la jurisprudence les excluait de l'électorat. Cette exclusion était justifiée par les juges par les pouvoirs détenus par ces salariés, qui conduisaient à les assimiler au chef d'entreprise. Cependant cette exclusion a été jugée contraire à la constitution, reposant sur une interprétation de l'article L2314-18, et le Conseil constitutionnel a considéré que cette interprétation était en désaccord avec le principe de participation, un droit fondamental pour tous les salariés. Depuis la décision du conseil constitutionnel du 19 novembre 2021, ces salariés indépendamment de leur pouvoirs, font partie de l'électorat. B) Les conditions d'éligibilité