§2: La liberté des syndicats La liberté des syndicats signifie leur totale indépendance à l'égard de l'État et des employeurs. Les syndicats peuvent se constituer librement, autrement dit sans autorisation préalable. Ainsi, en droit français, pour garantir l'indépendance des syndicats à l'égard de l'État, les formalités pour constituer un syndicat sont réduites au strict minimum. il suffit en effet de déposer les statuts du syndicat ainsi que le nom du ou des dirigeants en mairie. S'agissant des unions de syndicats, la loi impose juste le dépot de la liste des adhérents de l'union, des syndicats adhérents de l'union, qui doivent etre au moins deux, ainsi que le lieu de leur siège. C'estl'article L21-33-2 du Code du travail qui prévoit ces règles. L'État ne peut pas non plus s'immiscer dans la vie ou le fonctionnement des syndicats. De meme, la dissolution administrative ou judiciaire d'un syndicat est impossible. L'article 131-39 du Code pénal qui prévoit les peines encourues par les personnes morales, les syndicats sont exclus de la peine de dissolution de la personne morale, de meme que les partis politiques. Ce principe de la liberté de constitution des syndicats est à l'origine du pluralisme syndical caractérisant notre système. Concrètement, plusieurs syndicats peuvent coexister dans un meme champ, par exemple au sein d'une meme entreprise, dans une meme branche d'activité, ou dans un groupe de sociétés. Cela diffère du système américain, où le syndicat majoritaire est le seul à pouvoir représenter les salariés de l'entreprise. La liberté syndical donne également le droit aux syndicats primaires de se regrouper comme ils le souhaitent. Ils peuvent se regrouper au sein d'unions interprofessionnelles, le regroupement se fait alors sur la base d'un critère d'appartenance à une confédération. Par exemple au niveau départemental, il y a des unions départementales CGT. Les regroupements peuvent aussi etre faits sur la base d'un critère professionnel, on parle alors de fédération, comme la fédération métallurgie de la Haute-Garonne. La liberté syndicale implique également la liberté syndicale à l'égard des entreprises. En pratique, on peut imaginer dans certains cas que des employeurs soient tentés de favoriser un syndicat plutot qu'un autre pour s'en fait un allié, ou parce que l'employeur ne veut absolument pas la présence d'un autre syndicat. Certains employeurs ont eu l'idée d'inciter à la création de certains syndicats et de contribuer à leur financement pour courcicuiter une opposition syndicale plus dure. On parle de syndicat-maison, de syndicat jaune, qui ne font pas de grèves. Aux USA, on parlait de yellow dogs. Avec le temps, la loi française est venue condamner ce type de pratiques, et le Code du travail interdit toute pression qui serait exercée par l'employeur sur les salariés pour qu'ils adhèrent à un syndicat plutot qu'un autre, L21-41-7. De meme, le Code du travail interdit à l'employeur de prélever directement sur les salaires les cotisations syndicales pour les reverser ensuite au syndicat. Le but de cette interdiction est de prévenir les ingérences de l'employeur dans le financement des syndicats, et préserver la liberté et l'anonymat des salariés. Cette pratique de précompte des cotisations syndicales sur les salaires existent chez les anglois sous le nom de check off. En France, interdiction avec L21-41-6. Mais les employeurs peuvent favoriser l'implantation de syndicats. Certains employeurs sont favorables à l'implantation de syndicats. Ils peuvent par exemple mettre en place des chèques syndicaux. C'est l'entreprise Axa, qui dans un accord collectif a créé le dispositif. La pratique consiste pour l'employeur à donner à chaque salarié un chèque syndical, le salarié pouvant donner son chèque syndical au syndicat de son choix ou au contraire pouvant décider de ne pas l'utiliser. La pratique est considérée comme conforme à la liberté syndical, car l'employeur n'influence pas le financement. Il n'y a jamais eu de contentieux, mais une réponse ministérielle a validé le processus. Il n'y a pas de risque de dérapage. L'employeur peut aussi accorder directement un financement au syndicat, à condition de ne faire aucune distinction entre les syndicats présents dans l'entreprise. Le financement doit etre le meme pour tous, la Cour de cassation rappelant que le principe d'égalité est un principe de valeur constitutionnelle. L'employeur ne peut pas, par exemple, réserver une subvention au seul syndicat ayant signé l'accord collectif ayant institué la-dite subvention, comme dans un arret du 9 mai 2001 où l'accord collectif prévoyait une subvention au seul syndicat signataire de l'accord collectif, la Cour a censuré cet accord. L'employeur ne peut pas non plus réserver des avantages particuliers aux seuls syndicats représentatifs dans l'entreprise. C'était un accord collectif prévoyant la prise en charge des cotisations versées par les salariés à des syndicats représentatifs. Dans cette affaire, l'accord prévoyait aussi le droit d'accès pour les syndicats représentatifs à l'intranet de l'entreprise, décision de la chambre sociale du 7 janvier 2021. toute pratique contaire aux articles L21-41-6 et L21-41-7 est considérée comme abusive et ouvre droits à des réparations pour le syndicat victime, L21-41-8. On est aussi dans le champ de l'interdiction des discriminations syndicales, et les sanctions en la matière, pénales ou civiles, sont applicables, la sanction civile de la discrimination est la nullité de la mesure. §3: La liberté des salariés Le salarié a en effet le choix entre adhérer à un syndicat ou pas, et s'il choisit d'adhérer à un syndicat, il peut adhérer au syndicat de son choix. L'exercice de cette liberté individuelle des salariés est assortie de garantie juridique contre d'éventuelles pressions exercées par l'employeur ou par des syndicats. Le salarié ne peut pas subir de représaille de la part de son employeur en raison de son affiliation à son syndicat ou, meme s'il n'est pas affilie à un syndicat, en raison d'activités syndicales, l'article L11-32-1. Dans l'exercice de son pouvoir de direction, l'employeur ne peut pas tenir compte de l'affiliation du salarié ou de ses activités pour prendre des mesures en matière de recrutement. L'employeur ne peut pas non plus de décider de promotion en raison de critères comme l'appartenance syndicale, ni rompre le contrat. Ces mesures constituent des discriminations frappées de nullité, et de sanctions pénales résultant de l'article 225-1 et s du Code pénal, mais aussi l'article L21-41-5 du Code du travail. En matière de discrimination, devant les prudhommes la charge de la preuve est aménagée. L'article L11-32-4 prévoit qu'il appartient au salarié de présenter des éléments laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou inddirecte, et c'est à l'employeur d'apporter ensuite la preuvge que sa discrimination repose sur des éléments objectifs. Il y a dans le Code du travail des dispositions qui vont protéger le salarié contre des pressions venant d'un syndicat. Dans certains secteurs d'activité, les syndicats étaient tellement puissants qu'ils avaient exigé des employeurs que ne soient recrutés que des membres du syndicat, ou que soient licenciés tous ceux refusant d'adhérer au syndicat. Chez les dockers, les syndicats distribuaient les contrats de travail. Dès 1956, le législateur s'est efforcé d'y mettre fin avec la loi Moisan du 27 mars 1956, le but de cette loi étant de garantir la liberté syndicale des salariés. Les articles L21-41-7 et L21-41-5 interdisent ainsi deux types de pratiques, longtemps autorisées dans les pays d'Europe du Nord ou anglosaxons, qui consistent à prévoir dans un accord entre un employeur et un syndicat une clause de closed shop (atelier fermé) ou une close d'union shop (atelier syndiqué). Le premier type de forme, l'atelier fermé, consiste en un engagement de l'employeur de n'embaucher que des adhérents du syndicat. Le deuxième type de clause consiste à tout nouvel embauché d'adhérer au syndicat sous peine de licenciement. Ces pratiques sont contraires à la liberté syndicale, et la CEDH les a condamnés dans un premier arret du 13 août 1981, concernant une affaire avec le RU, et un autre arret du 11 janvier 2006 concernant le Danemark. Section 2 : L'objet syndical : un objet professionnel Ce qui va caractériser le syndicat est cet objet professionnel. Il résulte de l'article L21-31-1 du Code du travail que les syndicats sont des personnes morales qui "ont exclusivement pour objet l'étude et la défense des droits, ainsi que des intérets matériels et moraux tant collectifs d'individuels des personnes visées par leurs statuts". Les syndicats vont se distinguer d'autres groupements, comme les associations, par le caractère professionnel des interets qu'ils défendent. C'est ce qui ressort très clairement de l'article L21-31-2. Juridiquement, la définition du Code du travail conduit à conclure que les syndicats ne représentent pas exclusivement, uniquement, des salariés. En effet, il résulte du Code du travail que toute personne qui exerce "la meme profession ou des métiers similaires ou connexes" peuvent constituer un syndicat. Pour constituer un syndicat, les personnes doivent exercer le meme métier, en tant que salarié ou pas, ce qui importe est qu'elles aient des intérets communs à défendre concernant notamment leurs conditions d'emploi, les vacations qui leur sont dues, ou la protection sociale dont ces personnes vont bénéficier. Il en résulte tant pour la Cour de cassation que le Conseil d'ÉTat que des sapeurs-pompiers volontaires peuvent se constituer en syndicat, de meme que des éclésiastique ou des apiculteurs amateurs. Dernier exemple, les travailleurs via les plateformes numériques ont la liberté syndicale. Il y a une exigence, ces personnes doivent effectuer une profession ou métier similaire ou connexe, concourant à la réalisation de produits déterminés, ou exerçant la meme profession libérale. Il est fait exception à cette exigence pour certaines catégories de personnes qui pourront se constituer en syndicat sans cette condition, c'est le cas des particuliers employeurs, L21-31-..., ou des retraités et chomeurs qui ont le droit de rester affiliés à leur syndicat d'origine et meme d'adhérer à un nouveau syndicat de salariés. Par contre, ils ne peuvent pas constituer un syndicat de retraités ou chomeurs. Les syndicats étudiants ne sont pas des syndicats, ce sont des associations d'étudiants. En toute hypothèse, les membres du syndicat doivent cependant appartenir à une meme branche d'activité, et ils peuvent se regrouper au sein d'une fédération professionnelle. Cette règle d'appartenance à une meme branche d'activite ne concerne pas les unions de syndicats et les confédérations. Il y a une distinction entre les syndicats primaires et les unions, art L21-33-31. Si on écate cette condition d'activité professionnel le, il n'y a pas de condition. Tout travailleur peut adhérer au syndicat son age, quel que soit son age, son sexe, ou sa nationalité. La liberté syndical concerne les salariés du secteur privé mais aussi les agents de la fonction publique. Il n'y a plus d'exclusion, depuis 2015, avec la condamnation de la France pour la violation de la liberté syndicale des militaires et gendarmes, décision CEDH du 2 octobre 2014. L'objet syndicat est un objet exclusivement professionnel, il en résulte qu'il ne peut pas etre essentiellement politique et économique, c'est le principe de spécialité. Cependant, depuis 1982, le principe de spécialité fait l'objet d'une interprétation assez souple de la part de la Cour de cassation. La haute juridiction rappelle régulièrement dans ses arrets que la seule circonstance que l'action d'un syndicat soit liée étroitement à des considérations politiques ne suffit pas à considérer que son objet est illicite. Plus précisément, la Cour considère qu'il appartient en toute hypothèse au juge du fond de rechercher si l'action du syndicat dont l'intéret professionnel est contesté correspond à un intéret légitimite ou pas. Autrement dit, peu importe ce que mentionnent les statuts du syndicat, meme si dans les statuts l'objet est visiblement politique, comme renverser le capitalisme, cette mention ne suffit pas pour considérer que l'objet du syndicat n'est pas professionnel, ce sont les actes qui comptent. Est-ce que par ses actes, le syndicat vise des intérets professionnels ou exclusivement politique? Cette jurisprudence est stricte au nom de la liberté syndicale. par eexemple, arret du 12 décembre 2016, n°16-25796. Aussi, arret du 12 juillet 2024, 24-60173 qui confirme cette approche. Il s'agissait de la candidature de l'union des syndicats des gilets jaunes dont les juges du fond avaient considéré l'objet illicite car politique. La Cour de cassation donne tort aux juges du fond, auquel elle reproche de ne pas avoir vérifié si l'ensemble des actions du syndicat ne présentaient pas un lien avec les relations de travail et la défense des droits et intérets matériels et moraux de ses membres, conformément à l'article L21-31-1. On retrouve la meme argumentation dans un arret du 27 septembre 2024, n°23-16941, toujours à propos de l'union des syndicats des gilets-jaunes. Par ailleurs, la Cour de cassation considère que le syndicat peut adopter des prises de position politique, ce qui est interdit par la loi c'est un objet exclusivement politique. C'est ainsi que la Cour de cassation avait condamné des interventions de la part d'un syndicat en soulignant que son objet exclusif était la conquete du pouvoir politique, en l'occurence la Cour avait relevé que l'objet du syndicat était illicite dans la mesure où il défendait des discriminations entre les travailleurs. Cette décision était intervenue à une période où les nazis du fn avaient développé une stratégie pour intégrer les entreprises via les syndicats, avec des syndicats fn. C'est un arret rendu en chambre mixte du 10 avril 1998. Section 3 : L'action en justice des syndicats Les syndicats sont des personnes morales, donc comme tout titulaire de la personnalité juridique ils peuvent agir en justice et etre assignés en justice. Conformément au droit commun, ils peuvent agir en justice dès lors qu'il y a une mise en cause de leurs intérets propres. C'est l'article 31 du CPC, et article 2 du CPP. Mais ils disposent de deux autres types d'action en justice dérogatoires. Ils peuvent agir en justice pour défendre les intérets collectifs de la profession qu'ils représentent. C'est ce qu'on appelle l'action syndicale. Ils peuvent aussi dans certains cas agir pour la défense des intérets particuliers d'un salarié dans des conditions précisément définies par la loi, c'est l'action de substitution. §1: L'action syndicale Elle est prévue à l'article L21-32-3 du Code du travail. Tout syndicat, qu'il soit représentatif ou pas, peut agir en justice pour défendre les intérets collectifs de la profession qu'ils représentent. Il s'agit d'une action appartenant en propre au syndicat. Cette action est dérogatoire parce que le syndicat n'a pas à justifier d'un intéret direct et personnel à l'action. Cette action dérogatoire est à l'origine une action prétorienne. C'est la jurisprudence qui l'a reconnu dans un arret des chambres réunies de la Cour de cassation du 5 avril 1913. Le législateur est ensuite venu conférer une portée légale à cette jurisprudence avec la loi du 12 mars 2020. Aujourd'hui, l'action syndicale est prévue à l'article L21-32-3. Cette action peut etre exercée devant toute les juridictions, civiles (action en réparation devant le TGI), administratives, pénales. Le syndicat pourra se porter partie civile, comme cela a été le cas dans l'affaire france télécom concernant le harcèlement moral de salariés qui se sont suicidés chez Orange.