Dans un arrêt du 21 novembre 2018, n16-27190, la chambre sociale avait censuré un arrêt de CA qui avait refusé d'intégrer dans le périmètre d'une UES la succursale française d'une société italienne appartenant à un groupe de société dont faisait également partie des sociétés françaises qui, en vertu d'un accord collectif, constituaient ensemble une UES. On avait un accord collectif reconnaissant une UES, et qui avait intégré une succursale française de la société italienne, donc seule la société italienne avait la personnalité morale. La cour d'appel avait écarté la surcursale du périmètre de l'UES. La Cour de vassation censure au motif qu'il y avait bien unité sociale entre la succursale et les sociétés françaises car l'une des sociétés françaises intégrée dans l'UES avait mise à disposition de la succursale italienne 165 de ses salariés dans le but de gérer les infrastructures informatiques. Par ailleurs, pour caractériser l'unité économique, la COur avait relevé que le responsable de la succursale de la société italienne exerçait aussi des responsabolité hiérarchiques dans l'une des sociétés françaises appartenant à l'UES. Pour la Cour, il en résultait une certaine unité de direction. La Cour conclut que la succursale italienne, bien que n'ayant pas la personnalité juridique, faisait bien partie de l'UES. Cependant, lorsque l'on lit la note explicative attachée à cet arrêt, la principe reste celui posé dans l'arrêt Vivendi, et que c'était par pragmatisme, pour tenir compte de la situation particulière dans l'affaire qui lui avait été soumise, qu'elle avait été conduite à consacrer cette solution dérogatoire. Comment expliquer l'arrêt? L'UES n'est pas une personne morale, elle se compose de plusieurs personnes morales, mais sans avoir la personnalité juridique. On n'est pas employé d'une UES, mais de la société. Autrement dit, l'UES ne se substitue pas aux sociétés employeuses, c'est simplement un périmètre permettant la mise en place de droits plus pertinents à ce niveau que la société employeure. C'est une jurisprudence constante. Cela signifie aussi que l'UES ne peut pas être poursuivie pénalement. S'il y a un délit d'entrave, c'est chaque société qui sera poursuivie. Il est possible que l'entreprise soit à structure complexe. §2: Les établissements distincts C'est l'hypothèse dans laquelle une entreprise ets constituée de plusieurs entités, qui le plus souvent mais pas toujours sont géographiquement dispersées. En pratique, ces entités sont des unités de production, une usine par exemple, des services administratifs, ou des services commerciaux. Ces entités n'ont pas la personnalité juridique, on parle d'établissements mais ce sont en pratique des agences, des succursales, des magasins, des entrepôts ou encore des usines. Lorsque ces entités sont suffisament autonomes, elles vont être qualifiées d'établissements distincts et c'est à ce niveau que devront être mis en place les représentants du personnel. Cette notion est importante. La représentation du personnel doit également être mise en place au niveau de l'entreprise pour permettre la mise en oeuvre effective du principe de participation, donc la participation des salariés à la gestion de leur entreprise et la mise en place collective du dialogue social. A) Les institutions mises en place au niveau des établissements distincts Lorsqu'une entreprise compte au moins 50 salariés et qu'elle comporte au moins deux établissements distincts, l'article L2313-1al2 prévoit la mise en place de CSE d'établissement au niveau de chaque établissement distinct. Par ailleurs, c'est également au niveau des établissements que les syndicats représentatifs pourront désigner des délégués syndicaux. La notion d'établissement disctinct est flexible. Un établissement distinct ne correspond pas forcément à un établissement physique. Plusieurs établissements physiquement différents peuvent constituer un seul établissement distinct. De même, il peut y avoir un établissement physique dans lequel seront présents, seront identifiés, deux établissements distincts. Le but est de mettre en place un dialogue sociale à un niveau pertinent, dépendant de l'organisation concrète de la structure de l'entreprise. Deux questions vont se poser: comment sont reconnus ou identifier les établissements distincts, et ensuite la définition des établissements distincts en cas de litige. 1) Comment les établissements distincts sont-ils reconnus? Depuis les réformes de 2017, le droit a été clarifié s'agissant de la reconnaissance des établissements distincts pour la mise en place des CSE, plus précisément s'agissant de la mise en place du CSE, le Code du travail prévoit trois modalités de reconnaissance des établissements distincts. D'abord, la reconnaissance d'un établissement distinct peut résulter d'un accord collectif d'entreprise. L'accord est négocié et conclu dans les conditions de droit commun fixés à l'article L2232-12. Pour être valable, l'accord doit être signé par un ou plusieurs syndicats représentatifs dans l'entreprise ayant recueilli au moins 50% des suffrages au premier tour des élections des titulaires du CSE de la dernière élection. C'est l'accord collectif dans ce cas qui va déterminer le nombre et le périmètre des établissements distincts. Encore une fois, l'enjeu est important, puisque du nombre d'établissements distincts va dépendre le nombre de représentants du personnel et l'ampleur de leurs moyens. La deuxième hypothèse envisagée par le Codee est l'hypothèse où il n'y a pas eu d'accord collectif et où il n'y a pas de délégués syndicaux dans l'entreprise, un accord peut intervenir entre l'employeur et le CSE, accord qui peut reconnaître l'existence d'établissements distincts, en déterminer le nombre et le périmètre. Cet accord doit être adopté à la majorité des élus titulaires du CSE. La troisième hypothèse prévue à l'article L2313-4, en absence de tout accord conclu avec des délégués syndicaux ou le CSE, l'employeur fixe unilatéralement le nombre et le périmètre des établissements distincts, compte tenu de l'autonomie de gestion du responsable de l'établissement, notamment en matière de gestion du personnel. Dans ce dernier cas, la décision de l'employeur est susceptible de recours devant le DREETS. Quand ces dispositions ont été introduites dans le Code du travail, deux interprétations ont été proposées par la doctrine. Certains soutenaient que l'employeur avait une totale liberté de choix pour soit engager des négociations, soit prendre une décision unilatérale. D'autres faisaient valoir que cette lecture n'était pas en accord avec l'esprit des réformes de 2017, qui voulaient favoriser le dialogue collectif, tel que la possibilité pour l'employeur de prendre une décision unilatérale devait être considérée comme subsidiaire, en cas d'échec ou d'absence de négociation. La Cour de cassation a tranché la question dans un arrêt du 17 avril 2019 n°19-22948. et c'est en faveur de cette seconde interprétation qu'elle a tranché. Plus précisément, la Cour indique que ce n'est que lorsque "à l'issue d'une tentative loyale de négociation, un accord n'a pas être conclu, que l'employeur peut fixer par décision unilatérale le nombre et le périmètre des établissement sdistincts". L'employeur qui prend une décision unilatérale sans concertation avec les acteurs sociaux s'expose à une nullité de sa décision. L'article L2313-5 prévoit qu'en cas de litige sur la décision unilatérale de l'employeur, le périmètre et le nom des établissements distincts sont fixés par le DREETS local. La saisine de l'autorité administrative doit intervenir dans les 15 jours de la notification de la décision de l'employeur à chaque syndicat représentatif, ainsi qu'à chaque syndicat ayant constitué une section syndicale. La décision du DREETS est elle-même susceptible de recours, mais devant le tribunal judiciaire. Le Code est très clair en précisant "à l'exclusion de tout autre recours administratif ou contentieux". Ici encore, le but du législateur est d'éviter une dispersion du contentieux électoral. 2) La définition des établissements distincts Il convient de distinguer ici selon que les établissements distincts ont été reconnus par accord collectif ou par décision unilatérale de l'employeur. a) En cas de reconnaissance par accord collectif On observe, dans ce cas, que le législateur n'a pas donné d'indication pour guider la décision des acteurs sociaux. Il en résulte selon la jurisprudence qu'en l'absence de prévision particulière de la loi, les acteurs sociaux ont toute liberté de l'existence et du périmètre des établissements distincts. C'est ce qu'à décidé la chambre sociale de la Cour de cvassation dans un arrê du 1er février 2023 n°21-15371. Pour la Cour, cette solution s'impose car elle correspond à la volonté du législateur. D'autre part, la décision s'impose dans la mesure où elle paraît conforme au droit européen et en particulier aux dispositions de la directive 2022-14 du 11 mars 2002 établissant un cadre général relatif à l'information et la consulation des travailleurs dans l'UE. L'article 5 de la directive prévoit en effet la possibilité pour les EM de confier aux acteurs sociaux le soin de définir librement et à tout moment par voie d'accord négocié les modalités d'information et de consultation des travailleurs et il est même possible de déroger à l'article 4 de la directive qui prévoit que la consultation des travailleurs doit s'effectuer au niveau pertinent de direction et de représentation en fonction du sujet traité, c'est le principe de pertinence. Ils sont donc, selon la directive, une liberté totale conférée par le législateur national. Pour la Cour, c'est l'esprit de la directive et du législateur qui viennent renforcer sa décision. Toutefois, la Cour de cassation pose un bémol à ce principe, elle exprime une réserve résultant des exigences constitutionnelles et plus précisément de l'alinéa 8 du préambule de 1946 qui pose le principe de participation. Pour la Cour de cassation, même si le principe est celui de la liberté des acteurs sociaux, il appartient au juge de vérifier que le découpage retenu dans l'accord collectif n'est pas de nature à remettre en cause la représentation de tous les salariés. Autrement dit, il ne faut pas que certains salariés, du fait du découpage en établissements distincts, soient privés de représentation. b) En cas de décision unilatérale Si les établissements distincts ne sont pas reconnus par accord, c'est l'employeur qui peut prendre une décision unilatérale en la matière. À cet égard, il faut faire une distinction entre le CSE et la mise en place des délégués syndicaux. Pour la mise en place du CSE, l'article L2313-4 prévoit que l'employeur, lorsqu'il décide du nombre et du périmètre des établissements doit tenir compte "de l'autonomie de gestion du responsable de l'établissement notamment en matière de gestion du personnel". Autrement dit, le critère qui doit guider la décision de l'employeur est le critère du pouvoir du représentant de l'employeur, critère qui était consacré par la jurisprudence avant 2007 pour la mise en place des comités d'entreprise. Pour qu'il y ait établissement distinct, il faut un responsable d'établissement qui détienne suffisament de pouvoir. La Cour de cassation est venue confirmer la centralité de ce critère dans un arrêt fondamental du 19 décembre 2018 n°18-23655. Cet arrêt concernait la SNCF, conformément à la nouvelle loi, la direction de la SNCF avait engagé une négociation sur le nombre et le périmètre des établissements des trois EPIC constituant le groupe. Les syndicats avaient été invités à la négociation, qui a échoué. Comme dans l'entreprise, il y avait des délégués syndicaux, l'employeur pouvait prendre une décision unilatérale. La direction avait donc pris deux décisions et avait fixé le périmètre de 33 établissements distincts pour la mise en place des CSE. Deux syndicats avaient alors saisis le DREETS d'un recours contre la décision de l'employeur, qui avait confirmé la décision de l'employeur sur le nombre et le périmètre de l'employeur. Avant la réforme de 2017, il y avait plus d'une centaine d'établissements. Les syndicaux ont saisi le tribunal d'instance (tribunal judiciaire) qui les avait débouté, conduisant une organisation à se pourvoir en cassation. L'organisation syndicale faisait valoir devant la Cour de cassation que le tribunal, en confirmant la décision de l'employeur et du DREETS, avait fait une mauvaise interprétation des textes et reconnue une notion d'autonomie de gestion du responsable de l'établissement excessivement exigeante. Le syndicat invoquait également la nécessité de mettre en place une représentation de proximité des travailleurs, permettant d'exercer les fonctions des anciens représentants du personnel des institutions supprimés. La Cour de cassation n'a pas suivi le pourvoi, elle consacre donc le critère de pouvoir et écarte le critère de proximité. Ici aussi, cette décision est conforme à l'esprit des ordonnaces de 2017. Se pose la question des modalités d'appréciation de l'autonomie de gestion requise pour qu'il y ait établissement distinct. La Cour de cassation est venue apporter des précisions. Elle l'a fait d'abord dans un arrê du 11 décembre 2019. En l'espèce, il était relevé qu'il y avait centralisation de fonctions support, et que par exemple il y avait aussi une définition des procédures, de recrutement, de gestion des salariés et contrats de travail, qui étaient centralisés et uniformisés. Cependant, pour la Cour de cassation, cette centralisation ne suffit pas pour définir le critèren, et invite les juges à apprécier deux autres indices. D'une part, elle invite les juges à apprécier l'existence de délégations de pouvoir en matière de droit du travail, de sécurité des personnes, de gestion économique et financière, avec à la clé la responsabilité pénale du délégataire. Autrement dit, bien qu'iol y ait des centralisations de fonctions, s'il y a des délégations du travail notamment en droit du travail avec responsabilité pénale à la clé, on peut arriver à conclure à l'existence d'établissements distincts. Elle reproche aussi ici au juge de ne pas avoir tenu compte de l'existence d'accords collectifs qui avaient été conclus à des niveaux décentralisés, permettant d'identifier des établissements. Par ailleurs, dans deux arrêts du 9 juin 2021, la Cour de cassation est venue apporter des précisions, plus précisément en invitant les juges de décider de l'existence des établissements distincts en tenant compte des prérogatives du CSE. Concrètement, quel que soit le cas de figure, il faut que le CSE soit mis en place à un niveau pertinent compte tenu de ses fonctions. Le découpage retenu doit être efficace, effectif, on regarde les missions du CSE, et la Cour rappelle que la découpage doit permettre à tous les salariés d'être représentés. Le critère de pouvoir est important, mais il y a aussi le critère de la pertinence et le critère que le découpage ne nuise pas à la liberté de déterminer leurs conditions de travail aux salariés. Pour la mise en place des délégués syndicaux, ce ne sont pas les mêmes critères. En effet, les ordonnances de 2017 n'ont pas du tout réformé la représentation syndicale. C'est une loi de 2014 qui a fixé les règles et qui sont toujours en vigueur. Cette loi de 2014 est à l'origine de l'article L2143-3 du Code du travail et dont l'alinéa 3 prévoit que la désignation d'un délégué syndical "peut intervenir au sein de l'établissement regroupant des salariés placés sous la direction d'un représentant de l'employeur (pas d'allusion au pouvoir de ce représentant) et constituant une communauté de travail ayant des intérêts propres susceptibles de générer des revendications communes et spécifiques". Par exemple, des travailleurs avec les mêmes horaires de travail, ou une rémunération similaire. §3: Le groupe de sociétés Section 3: Sous-chapitre 2: